LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Confiance aveugle

Les jeux dans lesquels un enfant a les yeux bandés reposent sur la confiance. L'analyse du jeu de la fusée permet de voir le grand intérêt pédagogique de ce type de situation, mais aussi les dérives possibles.
Média secondaire

C’est un jeu de parcours.

Un des joueurs est la fusée.

Il doit aller en marchant jusqu’à sa planète de destination en évitant des obstacles qui ont préalablement été posés sur le sol.

Il a les yeux bandés.

L’autre joueur est l’ingénieur.

Il doit donner à la fusée des indications orales (nombre de pas, à gauche, à droite, stop…) pour lui permettre de réaliser le parcours.

Un jeu particulièrement riche

 

Pour l’enfant, qui va guider la fusée, cela nécessite une perception de l’espace, de l’orientation et des déplacements qu’il va être obligé de verbaliser. Il doit également anticiper les actions de l’autre.

Pour cela, il est nécessaire qu’il étalonne et évalue les réactions à ses indications, de l’enfant qui tient le rôle de la fusée.

Quand il dit un petit pas, que fait l’autre joueur ? Qu’est-ce que cette notion de petit représente pour lui ? Lorsqu’il se déplace a-t-il tendance à appuyer plutôt sur la droite ou la gauche, ou à aller bien droit ?

L’enfant fusée, quant à lui, doit percevoir l’espace et les déplacements sans utiliser la vision.

Cela développe sa proprioception. Il doit intellectualiser ses gestes et ses déplacements, écouter, analyser les consignes et faire confiance à l’autre. Si un enfant a des difficultés avec la notion de droite et de gauche, cela ne l’empêche pas de jouer.

 

 

On peut mettre à côté de la fusée un assistant, qui après l’information verbale reçue pourra toucher l’épaule de la fusée correspondant à la direction demandée.

On peut également ajouter un autre rôle à ce jeu. Un enfant peut se voir confier la mission d’organiser le parcours d’obstacles (avant ou après que la fusée ait les yeux bandés, en fonction de l’évolution du jeu et de la prise de confiance des enfants)

Les spectateurs, qui attendent leur tour, sont loin d’être inactifs. Ils observent et réfléchissent : Est-ce que je l’aurai fait passer par là ? Qu’est-ce que je lui aurai donné comme indication ? Es-ce que j’aurai réagi comme celui qui est la fusée ?

Un jeu basé sur la confiance

Le rôle du meneur et la confiance que les enfants lui accordent sont essentiels dans la réussite de ce jeu au grand intérêt pédagogique.

Au départ, les enfants sont toujours un peu réticents à l’idée d’avoir les yeux bandés. Ils avancent avec une certaine méfiance. C’est la capacité de l’adulte qui mène le jeu à montrer que les règles sont clairement définies, que ce qui est annoncé se passe vraiment, qu’il n’y aura pas d’obstacles qui risquent de faire trébucher ou tomber, que le but du jeu est vraiment de faire arriver la fusée à bon port… qui permettront aux enfants d’avoir confiance. Confiance, jusqu’à se laisser guider par un autre enfant, sans moyen de contrôle et sans appréhension. Une situation particulièrement riche, en termes de relations. Cela renforce aussi la confiance que met l’enfant dans l’adulte.

On sait que l’on peut compter sur lui et qu’il est là pour éviter tout dérapage. Car les dérives existent à partir de ce type de jeu, dans lequel on demande aux enfants d’avoir les yeux bandés. Il suffit que l’on change une donnée sans l’annoncer à l’enfant qui ne voit pas, pour que l’on franchisse la ligne blanche et que l’on tombe dans les jeux de brimades.

Une des versions de cette dérive consiste simplement à enlever les obstacles lorsque l’enfant a les yeux bandés, puis à s’amuser en le regardant s’escrimer à éviter des objets imaginaires. On passe alors à une séparation du groupe, ceux qui savent, qui sont initiés et complices et celui qui n’est pas dans le secret et dont on se moque. La dérive peut aussi constituer d’autres types d’humiliations… L’animateur se place alors clairement dans la position de ne plus gérer son groupe sur le respect et la confiance que mettent les enfants en lui, mais sur une logique de diviser pour mieux régner. Il s’étonne même parfois que les enfants ne lui fassent plus confiance. « Ce n’est qu’un jeu. Ce n’est pas méchant. On a juste bien rigolé… » Mais cela a prouvé que sa parole n’était pas fiable et qu’il était capable d’utiliser un enfant pour faire rire les autres à ses dépends.

Si les enfants peuvent à l’occasion d’un jeu te faire une confiance aveugle… Alors tu auras fait un grand pas sur le chemin de la fonction d’animateur...