Au plaisir de mettre la table

Engager les enfants en centre de loisirs ou en colo à s’impliquer dans les tâches ménagères, le rangement et l’entretien du matériel n’est pas toujours chose aisée. Il est du rôle de l’équipe d’animation de proposer une démarche pédagogique qui fonctionne.
Un des incontournables de la collectivité, c’est qu’elle ne peut vivre que si l’ensemble du groupe se sent concerné par les petits gestes qui lui permettent de fonctionner correctement. Cette harmonie visée par chaque équipe est une véritable conquête pour laquelle il s’agit d’établir une stratégie bien réfléchie et qui reflète les valeurs de l’équipe, les intentions et les objectifs du projet pédagogique. Et ce n’est pas si simple ! Mais ça vaut le coup de penser une organisation et un fonctionnement qui offre des possibles d’apprentissage et de respect des autres, des locaux et lieux dans lesquels nous évoluons.
Média secondaire

Motiver les enfants en centre de loisirs ou en colo à s’impliquer dans les tâches ménagères, le rangement et l’entretien du matériel n’est pas toujours chose aisée. Peu de personnes prennent un plaisir fou à faire la vaisselle ou sortir les poubelles, action pourtant indispensable à toute vie en collectivité. Plusieurs possibilités s’offrent alors à l’équipe d’animation pour mettre en place les conditions d’une appropriation des efforts à faire pour maintenir un environnement hygiénique et sécurisant pour le groupe.

Cemea

La première méthode, sans aucun doute la plus simple, consiste à motiver les enfants à coup de pression extérieure : menace, carotte ou récompense peuvent en prendre la forme. Si tu ne mets pas la table, tu ne joueras pas après le repas. Si tu mets la table, tu pourras reprendre du dessert. La tâche est en effet réalisée mais sans aucun apprentissage. Lorsque la menace ou la récompense prend fin, l’enfant cesse son comportement, car il ou elle n’a effectué la tâche que par peur de la punition ou pour gagner quelque chose. Aucune responsabilisation en vue, l’effet d’une telle pression extérieure produira chez l’enfant par la suite un comportement défiant : – Si je n’ai pas double ration de dessert, je ne mettrai pas la table !

La deuxième méthode, consiste à motiver les enfants par une pression externe intériorisée. Cette pression a été assimilée par ce qu’il ou elle a pu voir des réactions de l’équipe d’animation lors des précédents temps de repas – Si je ne mets pas la table, les adultes vont être déçus. La pression vient de l’extérieur, mais elle a une forme interne. L’enfant ne voit alors l’intérêt de mettre la table que vis-à-vis de l’extérieur pour éviter la réaction négative des adultes. Aucune responsabilisation en vue ici non plus. L’effet d’une telle pression amène l’enfant à se conformer aux injonctions extérieures et à accepter petit à petit ce type de pression dans lequel la société de consommation est experte : culpabilisation pour inciter les personnes à faire un régime, à avoir le dernier téléphone à la mode…

L’approche positive

La troisième méthode, celle qui prend le plus de temps, consiste à faire comprendre les effets positifs d’un tel comportement pour soi et pour l’intérêt collectif. Cette méthode nécessite deux ingrédients très importants : un environnement social apaisant et de « belles contraintes » émancipatrices permettant la mise en activité sans que cela ne soit vécu comme un travail normé sous contrôle permanent : – Si je mets la table, alors nous mangerons plus vite et il y aura une bonne ambiance. – Si je mets la table, alors je participe et je fais des efforts comme tout le monde.

C’est plus long mais ça vaut le coup

Ce comportement aura tendance à perdurer dans le temps, car la motivation est personnelle. Les adultes n’auront plus besoin d’insister pour que l’enfant mette la table. On commence ainsi à entrevoir chez l’enfant des éléments d’autonomisation et de responsabilisation mais pas de recette miracle en vue. Cela nécessite de vivre des temps de repas puis de discuter avec les enfants sur ce qu’est l’intérêt collectif, cela nécessite également d’organiser la vie collective par des tableaux de tâches pour que chacun·e ne soit pas lésé·e, de répartir et de faire tourner les rôles. Si quelques un·es prendront par la suite un très grand plaisir à s’adonner aux arts de la table, pour la plupart, mettre la table restera, même si la nécessité de participer est intégrée, une tâche ingrate et triste de notre réalité. Mais c’est sans compter les apports de la gamification, principe qui consiste à s’inspirer des mécaniques du jeu vidéo pour les transférer à un domaine qui ne l’est pas. Comment rendre ludique le fait de mettre la table ? Comment combattre la morosité des adultes en retrouvant le plaisir du jeu des enfants ? Peut-on vraiment être un espion en sortant les poubelles ? Peut-on être un mage expert en réalisation de tartine de confiture ?


Ces articles sont issus de la revue Les Cahiers de l'animation Vacances-Loisirs