La fratrie

La fratrie est encore peu considérée comme un membre de la famille influent. Et pourtant… Récit d'une relation entre deux frères, dont l'aîné atteint de trisomie a rendu le rapport difficile mais le lien très fort.
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Média secondaire

Il y a 23 ans j’ai été accueilli par ma mère, mon père et mon grand frère. A priori ma vie débutait d’une façon tout à fait banale. Et pourtant, une petite différence, microscopique, chez mon frère, allait donner un sens singulier à mon existence, faisant naître tout au long de ma vie des prises de position, des questions, des frustrations, de la jalousie. Cette différence, c’est un chromosome supplémentaire, le 23. C’est ainsi que mes parents ont découvert à sa naissance qu’il était « trisomique », tel que le dit le corps médical parce que pour moi il est avant tout mon frère. Mais alors, en quoi un chromosome, une différence, une anomalie peuvent-ils bouleverser la vie d’un enfant ?
Il y a dès l’enfance, de nombreuses situations, plus ou moins difficiles à vivre qui à mon sens peuvent soit amener à rejeter un membre de la fratrie ayant un handicap soit rendre la relation encore plus forte. Pour ma part, ça a toujours été la deuxième affirmation. Il m’est impossible d’oublier toutes ces fois où dans la cour de récréation j’entendais des personnes lui dire : « T’es un triso » ou : « T'es un handicapé ». Mes réactions étaient toujours virulentes face à ces autres enfants qui employaient des termes sans savoir finalement de quoi il s’agissait. Actuellement, je ne peux qu’encourager les démarches de sensibilisation au handicap et plus largement à la différence dans les établissements scolaires. De même, je me réjouis de l’inclusion en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap dans le cadre des loisirs et de la scolarisation entre autre. C’est l’ignorance qui fait peur et qu’il faut donc combattre.

Cemea

 

Être frère d’un enfant handicapé c’est également avoir une place particulière au sein de la famille. Lorsqu’un ou les deux parents sont absents, ponctuellement ou durablement (séparation, disparition) la place de frère évolue. Pour moi, elle est devenue celle d’un frère très protecteur voire d’un second « papa ». Malgré ce rôle particulier, je me souviens que j’ai pu éprouver aussi un grand nombre de fois un sentiment de jalousie.
En effet, c’était le cas lorsqu’une décision favorisait mon frère ou bien lorsque celui-ci se trouvait au centre de l’attention de mes parents, de ma famille, ou même de l’entourage plus large.
C’est ce sentiment que j’ai cherché à rejeter étant pleinement conscient de cette particularité. Il n’empêche que cela provoque une grande frustration de se dire qu’il a le droit à cette attention, voire à ce privilège à cause de son handicap.
Je pense que la prise en compte d’un enfant en situation de handicap ne peut être pleinement assumée que si les professionnels, dans le cadre scolaire et des loisirs, sont formés à un accompagnement spécifique. Ceci permet d’éviter que la fratrie pallie le manque des professionnels.

Je pense que la spécificité de la place d’un enfant handicapé dans la fratrie serait à verbaliser dans les différents milieux de vie, et là à mon sens il y a un manque. Lorsque des établissements parlent de travail avec les familles, il est courant de penser aux parents, surtout à la période de l’enfance. Les professionnels les accompagnent à tenir cette place qui peut être complexe et compliquée ; de même, il me semble que les fratries pourraient être, elles aussi, accompagnées. Il existe des groupes de parole pour fratries, mais dans trop peu d’établissements.
Pourtant, lorsque l’enfant handicapé devient adulte, les établissements font appel à la fratrie qui peut se révéler absente. Quand les parents ne peuvent plus assumer et assurer leurs rôles, c’est sur la fratrie que l’établissement pourrait s’appuyer. Il est important que l’adulte en situation de handicap conserve des liens avec l’ensemble de sa famille. Ce travail doit se réaliser dès l’entrée en institution.


 


Cet article est issu du Dossier 24 des Cahiers de l'animation Accueillir la différence