La défense de la psychiatrie humaine, un enjeu de société

Les Ceméa sont inscrits de longue date dans le champ de la psychiatrie. Avec Jean Oury, Lucien Bonnafé, Tony Lainé ou Pierre Delion, ils ont participé au combat toujours d’actualité pour une psychiatrie humaine, respectueuse des patient.e.s et des soignant.e.s
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Média secondaire

Au lendemain de la guerre, la situation des hôpitaux psychiatriques est désastreuse. Les patient.e.s, mort.e.s de faim se comptent par dizaine de milliers. Les infirmier.e.s et les médecins qui rentrent pour certain.e.s d’internement dans des camps ne veulent plus que les hôpitaux ressemblent aux camps qu’ils.elles ont connus. Il faut que cela change !

Certain.e.s psychiatres convaincu.e.s de la nécessité de repenser l’organisation des hôpitaux et la place des patient.e.s dans le processus de soins, agissent ici et là pour mettre en œuvre ce à quoi ils.elles croient. Nous pouvons par exemple penser ici à François Tosquelles, Psychiatre catalan qui a fuit le franquisme ou Lucien Bonnafé, qui tous deux agissent à la transformation de l’hôpital de Saint Alban sur Limagnolle.

Cemea

Pour soigner les patient.e.s, il faut avant tout « soigner l’hôpital », tel est le fil rouge de ce qui deviendra un des socles de la psychothérapie institutionnelle, mouvement de pensée et d’action porté par Tosquelles puis par Jean Oury (ancien interne à Saint Alban et fondateur de la clinique de La Borde) et son frère Fernand Oury pédagogue et « fondateur » de la pédagogie institutionnelle. « La pédagogie et la psychothérapie institutionnelles ont la détermination de faire de nos institutions des lieux de vie, chacune de ces institutions ayant cependant toute sa spécificité, éduquer, enseigner, former, produire, servir, mais restant le réel contexte ordinaire des professionnels et des usagers » nous rappelle Jacques Pain1

Mais remettre le.la patient.e au cœur du processus de soins, en favorisant sa participation réelle et reconnue pour qu’ils.elles deviennent « co-acteur.rice.s de leur traitement et de leur guérison » comme le rappelle Pierre Delion2, est une lutte quotidienne, dans une société qui vise à rationaliser les soins, à faire la part belle à la résolution prioritaire du symptôme, en privilégiant par la même occasion, les explications scientifiques des neurosciences, alors que comme le rappelait Jack Ralite dès 1981, l’approche de la santé mentale ne « saurait ignorer ni la scène individuelle, ni la scène sociale et politique »3

Dès le milieu des années 40, les Ceméa ont été appelés par l’intermédiaire de Germaine Le Guillant et Daumézon, pour participer à la formation des infirmier.e.s psychiatriques. Les Centres d’entraînement portent fortement l’importance de l’activité et du collectif, de l’accueil et de l’hospitalité dans le développement  des individus et en faveur de leur émancipation. Ainsi pendant de nombreuses années et dans cette dynamique spécifique, les équipes en santé mentale du mouvement vont construire et animer des stages de formation.

Défendre une psychiatrie humaine

Soixante ans plus tard, le secteur de la psychiatrie traverse une crise majeure et les professionnel.les sont remis.e.s en cause dans leur pratique. Les pouvoirs publics poussent une nouvelle fois à une rationalisation des lieux de soins (en regroupant et non plus en renforçant la présence des services sur les territoires) et à un renforcement des neurosciences comme seules capables d’apporter des solutions de soins adaptés.

Que peut alors faire un mouvement d’éducation, comme les Ceméa dans ce contexte assez mortifère ? Sans aucun doute rappeler quelques éléments fondamentaux et structurants qui visent à défendre une psychiatrie humaine. C’est dans cette perspective que les Ceméa ont organisé, il y a plusieurs années « Psychiatrie en chantier », qui visait à redonner une visibilité et un écho à ce qui était porté par de nombreux soignant.e.s et patient.e.s. C’est aussi et toujours dans cette ambition qu’ils ont participé à la création du « collectif des 39 » ou qu’ils soutiennent encore aujourd’hui « le printemps de la psychiatrie ».

Dans une émission de Webradio en mars 2019, Yves Gigou, compagnon de route des Ceméa et acteur engagé dans le champ de la santé mentale, est venu témoigner de cette histoire. Ses mots viennent rappeler, l’ancrage et les valeurs portés par les Ceméa et ses partenaires et ce besoin de résister, pour ne pas perdre le sens et ne pas « mettre les moulins à l’envers » comme nous le rappelait Pierre Delion, dans un autre entretien proposé lors des 80 ans des Ceméa en 2017.

« Résister, Mobiliser, Construire », vieux slogan des Ceméa est encore et toujours à l’ordre du jour. Cela veut dire donner les moyens à chacun.e, animateur.rice.s, éducateur.rice.s, soignant.e.s, de se former et de se construire des références, soutiens à leur pratique de terrain. Ceci, afin de permettre de réfléchir à sa conception du sujet, de l’autre, aux ambitions que nous pouvons projeter sur lui, donc en quelque sorte, à ce qui nous porte et nourrit notre « éthique de conviction »


Prenons alors le temps, à travers quelques textes et médias de (re)découvrir l’histoire et les philosophies qui guident les actions.

Lucien Bonnafé - Cédérom réalisé par les Ceméa

Lucien Bonnafé se définit comme ancien combattant ; pourtant de lui on pourrait dire qu’il a été un combattant de toutes les heures. Combattant pour des idées, un «acharné de l’oubli», un homme qu’il faut garder en mémoire pour s’aider à devenir soi-même un peu meilleur.
Ce cédérom lui rend hommage en compilant textes, vidéos et images. Nous allons, avec les piliers santé mentale des ceméa, suivre les pas et les idées de ce militant «contre le courant» de longue durée. Les faiblesses des novateurs, disait-il, sont toujours imputables à l’efficacité des «diviser pour régner» qui sont les armes ordinaires des abuseurs de pouvoir. Bel exemple de ce que nous vivons actuellement.

Voir la présentation du cédérom