LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Images, éducation et réalité

Modifier la réalité par l’image relève-t-il de l’acte militant ou de la manipulation ? Que montrer ? Quels implicites ?
Média secondaire

Dans un numéro de la revue des CEMEA, Les Cahiers de l’Animation, un reportage photos avait présenté des activités spontanées dans lesquelles, lors d’un séjour de vacances et d’une sortie scolaire, des enfants s’étaient approprié des arbres pour y jouer et y pique-niquer.

L’équipe de rédaction reçut à ce sujet un courrier de lecteur faisant remarquer que sur ces images, on voyait plus de garçons que de filles et que ceux-ci étaient plus actifs. Sa lettre reprochait « qu'un organisme mettant en valeur l'égalité des individus se conforme aux normes sociales en vigueur, sans essayer de redéfinir la place des filles au sein du groupe ». Pourtant, ces photos prises avec une classe et dans un centre de vacances étaient très représentatives de ces deux moments de vie. Lors de ces temps informels, plus de garçons que de filles étaient venus spontanément grimper aux arbres.

Dans une logique similaire, un reportage sur les séjours lycéens au festival d’Avignon, montrait davantage de photos de filles que de garçons. Ce qui était là-aussi représentatif du groupe. En tant que média, la teneur de l’interpellation de ce lecteur nous interroge sur le lien entre image, éducation et réalité. On peut regretter que ce jour-là, il y ait eu davantage de garçons grimpant aux arbres, ou qu'à tel autre moment les stages et ateliers théâtre aient un public plus féminin. Mais que faut-il faire de cette réalité ? Nous aurions pu faire poser des enfants pour créer une apparence de situation, ou ajouter d’autres photos pour montrer et affirmer une conception de ce moment. Nous aurions aussi pu attendre de trouver une réalité qui corresponde pleinement à ces valeurs, car je suis sûr qu’il y a des groupes dans lesquels beaucoup de filles grimpent aux arbres. Mais cette réalité aurait peut-être, elle-même, à son tour suscité des questions : sur le milieu social, l’environnement, la situation…

Notre choix a été de présenter une réalité même imparfaite, plutôt que chercher à en fabriquer une. Gisèle de Failly écrivait : « Que nous ayons à faire à des enfants ou à des adultes ; être en contact avec la réalité signifie les accepter tels qu’ils sont et non tels que nous souhaiterions qu’ils fussent.» La philosophie de l’Education nouvelle est de s’appuyer sur la réalité, pour se construire et pour pouvoir choisir de la transformer. Notre action étant d’amener l’individu, par la découverte, l’activité et le groupe, à s’interroger sur la place et le rôle de chacun au sein de la société.

Mais où se situe la frontière entre montrer la réalité et l’accepter ou la remettre en cause ? Modifier la réalité par l’image relève-t-il de l’acte militant ou de la manipulation ? Que montrer ? Quels implicites ? Le regard du photographe est par essence subjectif. Quelles réalités ou quelles représentations sont-elles présentées ? Avec quelles intentions ? Des questions essentielles et complexes dans un monde où le rôle de l’image est primordial.