Le Monde du goûter

Le goûter! Pour beaucoup d’adultes, ce mot indique une certaine nostalgie de l’enfance, un moment privilégié. Mais que représente le goûter pour les enfants ? Moment de rupture attendu, de nourriture, de retrouvailles, de goût…
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Média secondaire

Le moment privilégié du goûter peut être une véritable approche culturelle. S’il est proposé par la collectivité, il est important qu’il surprenne, fasse découvrir et soit source de plaisir. Et s’il est apporté de chez eux par les enfants, il faut chercher et créer des conditions, de temps, de prise en compte des différences… pour qu’il permette de comparer, de réfléchir, de « goûter ».. et se rendre compte que quantité n’est pas forcément synonyme de qualité et que le produit préemballé et formaté n’est pas l’unique référence en matière de goût. Le moment du goûter est un temps particulier, qui n’est pas qu’utilitaire, mais doit permettre de prendre le temps de la découverte et de l’échange. À condition que les adultes se donnent les moyens de mettre en valeur ce moment éducatif.


Au mois d'avril dernier, s'est tenu à Valence le deuxième salon du goû­ter. Cette manifestation réunissait des artisans, des producteurs locaux, des industriels de l'alimentation, des diététiciens, des artistes.
Tous traitaient le thème du goûter en fonc­tion de leur spécificité au travers de stands, expositions, dégustations.
La diversité des intervenants permettait au visiteur d'avoir une perception assez globale du sujet.
Lorsque j'ai pénétré dans ce « Monde du Goû­ter », j'ai surtout été saisi par les sensations mêlées que procuraient odeurs et couleurs.

Un goûter diversifié, équilibré, une approche culturelle

Alors que je me promenais entre l'espace des produits laitiers, un atelier de fabrication de pain et un autre stand où les enfants pou­vaient déguster et comparer différentes confi­tures, j'ai repensé à certaines scènes de goû­ter, que j'avais vécues en centres de vacances ou à l'école.
J'ai repensé à la barre de chocolat noir ou de pâte de fruit que les enfants voient régulière­ment revenir à quatre heures.
Cela tranchait avec cette exposition qui évo­quait et mêlait l'éveil sensoriel, le plaisir du goût et de la découverte, l'équilibre alimentaire, la connaissance des régions, des cul­tures,de l'histoire.
Le moment du goûter peut devenir pour les enfants un espace d'Éducation et de Décou­verte.
Il est possible de profiter de ce moment privi­légié que représente pour les petits la pause de quatre heures pour les amener à découvrir de nouvelles saveurs, des associations et des goûts dont ils n'ont pas forcément l'habitude.

Cemea

Surprendre

Il faut que le goûter puisse les surprendre, qu'ils aient envie de connaître ce qui leur sera proposé. Mais surprendre les enfants n'est pas obligatoirement leur proposer des choses rares, extravagantes ou exotiques. Il faut jouer sur la variété. Que les enfants ne retrouvent pas les mêmes aliments avec une régularité déconcertante.


« Je me demande ce que nous allons avoir pour le goûter», se demande Antoine.
« Ben ! c'est simple, lui répond Anthony. Avant-hier, nous avons eu pâte de fruit, hier, chocolat, donc aujourd'hui, ce sera pain d'épice ou fruit.»


Il faut pour surprendre les enfants, savoir organiser le moment, prendre le temps de le vivre comme une activité riche et privilégiée. Savoir jouer sur les saveurs, les odeurs, les couleurs.


Au lieu de la tranche de pain et de la petite barquette individuelle de confiture, pourquoi ne pas imaginer des enfants coupant des « mouillettes » de pain et venant jouer les dégustateurs avec différentes sortes de confi­tures?

Ce jeu pourrait déboucher sur une comparai­son de saveurs et pour l'enfant, une expres­sion et une affirmation de ses goûts.
Un tel goûter pourrait également être à l'ori­gine d'autres activités (fabriquer du pain, rechercher des petits fruits, créer un tableau qui se mange avec des confitures de diffé­rentes couleurs...)

Découvrir

Le goûter est aussi un moyen de découvrir la culture régionale et l'histoire. Selon les régions où les enfants séjournent lors de leurs centres de vacances ou de leurs classes de découverte, il y a des spécialités différentes (pognes, gâteaux, confitures, fromages...). Elles font partie du patrimoine local.

Apprendre à les connaître, fait partie de la découverte de ces régions. Parfois, une his­toire ou une légende sont liées à certains pro­duits. La majorité des autres denrées alimen­taires, que nous consommons couramment pour le goûter, ont elles aussi une histoire.
A-t-on toujours mangé du chocolat en France ? Quand le cacao est-il arrivé en Europe et qui l'y a apporté ?
Cette approche peut amener les enfants à s'interroger sur ce qui les entoure et à cher­cher des réponses avec ou sans l'aide de l'adulte.
Elle peut également devenir la source de thème de jeux (légende locale, les explora­teurs, si l'on mangeait comme...).
Mais le goûter représente aussi un apport non négligeable à l'équilibre alimentaire de la journée. Certains enfants peuvent profiter de ce moment à part pour manger des aliments nécessaires à leur santé, devant lesquels ils rechigneraient lors d'un repas.

Un lien affectif

Dans certaines écoles maternelles, il a été mis en place un goûter organisé.
Des parents apportent à tour de rôle de quoi faire goûter tous les enfants de la classe.
Cette idée est généreuse. Certains enfants sont moins favorisés et l'on souhaite qu'ils puissent bénéficier d'un vrai goûter et d'une variété de goûts. Mais à mon sens, elle ne prend pas en compte une composante impor­tante du goûter de l'enfant à l'école : le lien affectif avec sa famille.
Le goûter que m'a préparé ou que m'a acheté maman, c'est un peu de chez moi que j'ap­porte à l' école. Telle «la madeleine de Proust»,cela me rattache à la maison.
Et le goûter qu'a apporté maman pour la classe, même s'il est important, reste diffé­rent de ce qu'elle m'a préparé.

De plus, ces goûters organisés se réduisent souvent pour des raisons pratiques à un échantillonnage de biscuits, faciles à stocker et à partager. Avec de temps en temps une surprise (des parents apportant des fruits ou des céréales...).
Par ce système, ne renforce-t-on pas dans l'esprit des enfants, l'idée que la qualité d'un produit est nécessairement liée à son prix ? (comme tendent à nous le faire croire cer­taines publicités dans lesquelles des enfants comparent leur goûter)

Entre de simples biscuits de premier prix apportés par telle famille et les petits biscuits sophistiqués de grande marque apportés par telle autre, les différences de qualité et de goût sont sans ambiguïté.
Mais entre un paquet de biscuits de marque et un fruit du jardin, une tartine de confiture préparée par maman, ou un gâteau maison ?

La différence ne se fait pas en terme de prix, mais en terme de relation. Et la qualité d'un produit est aussi liée à la vie relationnelle qui s'y rapporte.
Il me semblerait plus profitable d'inciter et d'aider les enfants à apporter un goûter (même modeste) de chez eux, de le compléter éventuellement par un jus de fruit Et afin de découvrir d'autres saveurs, d'organiser régulièrement des goûters collectifs préparés avec l'aide des parents. Ce fonctionnement per­mettrait de conserver une collaboration famille/école qui est importante « À la mai­son, on a préparé un goûter pour toute la classe ». Mais il permettrait surtout au goûter tout en étant un facteur éducatif et d'équi­libre de vie, de rester le lien affectif qu'il représente. « Mais il va bientôt être quatre heures et il est temps pour moi d'aller goû­ter !!! » Je vous laisse donc méditer sur ce que pourrait être ce moment privilégié du goûter
dans la vie de l'enfant...et de l'adulte.


Cet article est issu des Cahiers de l'Animation - Vacances Loisirs