LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Pourquoi est-ce si difficile? Épisode 4

Après s’être interrogés sur la difficulté de proposer des activités scientifiques et de voir comment y faire face, examinons dans ce dernier épisode les différentes formes qu’elles peuvent revêtir. Abordons aussi leurs intérêts dans la formation de nos stagiaires.
Média secondaire

Les différents types d’activités scientifiques

L’enquête

L’objectif de ce type d’activités consiste à aborder un thème scientifique par le biais d’observation, de réflexion, de questionnement et d’expérimentation. Ainsi, il est possible de clarifier une notion complexe via une approche expérimentale ou dans le langage de l’éducation nouvelle via « l‘agir ».

En chimie, la notion d’acidité est un concept abstrait difficile à intégrer. Cependant tout le monde est capable d’associer l’adjectif acide au goût du citron. Pour préciser cette notion, essayons de la cerner par des expériences simples. Le jus de chou rouge a la propriété de changer de couleur en fonction du niveau d’acidité du milieu dans lequel il est ajouté. Il devient alors facile de se créer un indicateur d’acidité avec ce jus et de tester les produits de la vie courante de façon à associer acidité à un élément concret.

De façon ludique, il devient possible de s’approprier cette notion et peut-être même d’aller plus loin en découvrant ou réapprenant que l’inverse d’un produit acide c’est un produit basique (les fameux déboucheurs d’éviers) et qu’un produit ni acide ni basique est dit neutre – l’eau que nous buvons. En plus, d’un point de vue artistique, il est possible de réaliser avec différents produits testés (acide, basique ou neutre) une gamme de couleur pastel assez étendue et de pouvoir ainsi réaliser des aquarelles avec ses propres pigments. 2

Côté géologie, l’examen des roches pose toujours des questions. Quelles sont les propriétés qui permettent de les distinguer, comment appréhender celles-ci et comment mieux comprendre la classification des minéraux qu’il est souvent difficile de retenir. Pour s’intéresser à ce sujet, lors d’une balade par petit groupe ramassons le plus possible de roches différentes. Ensuite, essayons de les ranger par famille selon les choix propres à chaque équipe qui les présentera alors aux autres en précisant ses critères de classement.

Il est possible d’en rester là ou, par la suite, de reprendre ces critères de classement en les rapprochant de ceux des géologues pour mieux comprendre leur classification. Découvrir que la densité des roches constitue un bon moyen de différencier les roches d’origine marine (basalte) ou continentale (granit) peut conduire à se demander ce que représente la densité d’un corps et comment la mesurer. Comprendre pourquoi les roches prennent des couleurs différentes (présence de sel métallique) et fabriquer ensuite des ocres de différentes couleur pour reproduire les dessins des grottes préhistoriques constitue un prolongement intéressant à cette enquête géologique.

Abordons aussi le domaine de la physique. Le cheminement de la lumière peut sembler complexe. Comment la lumière se déplace-t-elle ? Que fait-elle quand elle rencontre un obstacle? Comment mettre en évidences ces phénomènes ? Pour cela, jouons avec un laser (attention aux yeux !) ou une lampe assez puissante dont le faisceau est bien focalisé et réalisons des parcours de lumière en plaçant des obstacles: miroir, plaque de verre, plaque noire, cristal, verre d’eau. Que se passe-t-il ? Y a t-il une logique ? Essayons de redécouvrir les lois de la réflexion, la réfraction ou de l’absorption. Réalisons un billard à lumière ou il faudra après avoir dessiné un trajet au hasard essayer de le reproduire à l’aide du trajet lumineux d’un laser passant à travers des prismes, des miroirs placés de façon adéquate en fonction de ce qui aura été vu précédemment.

Le défi

Dans ce type d’activité, il conviendra de résoudre une énigme de nature scientifique. Pour cela, il faudra réfléchir, proposer une hypothèse, la tester expérimentalement et vérifier qu’elle permet d’expliquer les faits présentés. Cette pratique, si elle suscite de l’émulation, peut cependant conduire à aller un peu trop vite sur le « pourquoi je fais les choses », à tabler trop sur l’intuitif, l’objectif final étant le résultat.

Exemples :

Je vous mets au défi de faire flotter de la pâte à modeler. Dans ce cas, la flottabilité d‘un objet est étudiée (ça flotte ou ça coule) et donc plus scientifiquement la notion de densité d’un corps par rapport à l’eau. L’application à la fabrication de bateaux, stables, est évidente. Aller à la piscine peut aussi se révéler intéressant.

Je te mets au défi de t’asseoir au fond de la piscine et d’y rester quelques secondes ou de faire la planche et d’essayer de rester le plus longtemps possible à la surface immobile sans couler. Il suffit d’expirer ou d’inspirer tout simplement et bien sûr de ne pas trop avoir peur de l’eau. Mais ça, c’est une autre histoire. Ensuite il sera possible de réaliser des ludions qui nous feront redécouvrir le principe d’Archimède et comprendre l’ensemble des phénomènes mis en jeu que l’on aura expérimentés.

Je vous mets au défi d’envoyer cette feuille de papier dans une direction donnée. Dans ce cas expérimentons ce qui fait qu‘une feuille de papier va flotter dans l’air et se diriger dans une direction donnée selon la forme qu’on lui donnera, selon le lest qu’on lui adjoindra. Une fois compris comment l’air agit sur une feuille en chute libre (poids, force aérodynamique, force de frottement) il sera plus aisé de construire un avion en papier plus performant. 3

La visite ou la balade scientifique

La visite d’une exposition ou d’une exposition scientifique peut aussi constituer une activité intéressante. Si l’animateur n’a pas la main sur le contenu, les organisateurs y ont pensé, il peut agir sur la façon de l’appréhender. Pour cela, il peut créer un parcours spécifique en ciblant des endroits qui lui paraissent riches et pertinents pour le groupe qu’il encadre. Ainsi il pourra proposer des observations ciblées, des énigmes à résoudre et même des animations simples en accord avec les conservateurs.

Un rallye photo au sein du musée quand cela est autorisé peut être aussi stimulant. Bien entendu, un débat après la visite avec les participants peut ensuite donner des idées d’activités à réinvestir. Ce concept se développe dans beaucoup de lieux d’exposition où sont organisées, en parallèle de la visite classique, des chasses aux trésors ou des enquêtes à réaliser. Dans cette perspective, la visite devient une démarche active d’exploration et de construction de son savoir.

Le débat scientifique

C’est aussi une forme de pratique scientifique. Mais dans cette configuration, l’activité se limite à la parole. Selon que le public sera averti ou novice, le démarrage pourra s’avérer plus ou moins aisé. Le recours à un petit film, des photos ou même un Quizz en relation avec le sujet permettront d’entrer plus aisément dans l’échange. De même, selon le sujet traité, un rappel pourra servir d’introduction. Quelle que soit la solution retenue, l’animateur devra ensuite délimiter le périmètre du débat en ciblant quelques points essentiels, veiller à faire circuler la parole et ne pas oublier de conclure en résumant les points de consensus, les divergences et les perspectives envisagées. Du point de vue du participant, ce type de débat permet un échange de connaissance via une forme d’intelligence collective partagée.

Pour le « sachant » celui qui mène le débat, il s’agira de rester simple et clair, mais juste, d’éviter tout sigle, abréviations ou concept difficile à appréhender et à savoir convaincre, bref de devenir un bon communicant. Reste à se demander si ce type de discussion est envisageable avec un très jeune public. Je dirai oui à condition d’avoir en amont préparé le terrain par des activités en relation avec le thème abordé, de rester sur un temps court et de bien faire attention au vocabulaire utilisé. Je me rappelle ce débat en maternelle où nous travaillions avec les enfants sur les caractéristiques des êtres vivants et la réponse pleine de fraîcheur et de justesse qui a fusé : « C’est ce qui fait des bisous. » Cet épisode, d’une très grande richesse, m’a convaincu du bien-fondé de ce type d’activité avec les petits. 4

De nouvelles pistes

Intégrons dans nos pratiques d’activités scientifiques toutes formes de jeux favorisant la compréhension de la démarche expérimentale qui va développer la curiosité, le questionnement, l’envie de comprendre et de trouver la réponse par l’agir et l’expérimentation. Cette démarche ludique prépare le passage à des activités scientifiques plus longues, plus complexes, plus structurées et donne le goût du savoir. 5

Osons la transversalité dans nos propositions d’activités scientifiques. Ce qui peut rebuter dans un atelier scientifique c’est de se centrer sur une notion abstraite à comprendre, à intégrer. Cela peut rapidement tourner aux travaux pratiques, à des activités trop théoriques qui « prennent la tête ». Pourquoi ne pas associer à l’activité scientifique une déclinaison musicale, plastique, ludique, sportive en rapport avec le thème scientifique traité ? Les idées ne manquent pas. Je mentionnerai ici les propositions originales des écologistes de Leuzière alliant cuisine et géologie. 6

Activité scientifique et formation

Travailler en formation l’appropriation de la démarche scientifique peut, en plus du savoir pédagogique acquis, avoir des effets collatéraux très positifs pour les stagiaires. Ainsi, lors d’un bilan de formation avec un groupe de BAPAAT, nous avons été agréablement surpris de constater que certains d’entre eux mentionnaient que l’apprentissage de la méthode scientifique avec ses phases d’hypothèses, de vérification, de questionnement, de nouvelles hypothèses pouvait aussi s’appliquer à leur parcours de vie. On peut se tromper et en l’analysant il est possible de repartir sur une nouvelle piste. 7

Pour le stagiaire, créer des jeux en rapport avec le sujet scientifique abordé constitue un très bon moyen d’appropriation du savoir par une démarche réflexive alliant connaissance théorique, pratique professionnelle et travail de vulgarisation. Cette phase permet aussi une évaluation personnalisée de ce qu’il a retenu et privilégié. Elle permet bien souvent de pouvoir ré-expliquer une notion abstraite non encore complètement assimilée.

Pour favoriser l’émergence des activités scientifiques en direction de tous les publics, pour donner envie de faire pratiquer n’oublions pas :

  • De ne pas axer celles-ci sur la théorie et la technique. Restons simple avec un discours adapté, favorisons l’appropriation du savoir par l’agir, le faire ensemble et la discussion qui s’ensuit.
  • D’éviter de faire du sensationnel, du magique, du tout technique ou de l’occupationnel, cela n’a plus rien de scientifique.
  • D’élargir le champ des activités scientifiques à une approche ludique de la méthode expérimentale.
  • D’agrémenter un atelier scientifique par une activité transversale permettant l’appropriation de concept.

Espérons que ces quelques réflexions auront stimulé votre curiosité, vous auront donné l’envie de parler de science, de faire, d’expérimenter et peut-être même d’embarquer avec vous un groupe pour leur faire partager votre envie de découvrir et comprendre le monde de façon nouvelle. Notre souhait est aussi que les activités scientifiques, souvent oubliées, trouvent pleinement leur place dans le champ des activités culturelles. 

Notes

Ven 570, 571, 572

  1. Faire léviter de l’eau et autres expériences ébouriffantes, chez Belin, 2013.
  2. Voir Jouer et comprendre CA 8, 2002.
  3. S. Pansu et G. Guillon, Vivant vous avez dit vivant, Ed. Retz, 2014
  4. Ven 572, « Pourquoi est-ce si difficile ? épisode 3.
  5. Goûter la géologie, les écologistes de Leuzière, 2002.
  6. V. Sadetan, in CA 102, 2018 


    Crédits Photo: Muriel AZARI

    Cet article est issu de la revue Vers l'Éducation Nouvelle n° 573

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