La biblio du pédagogue : " Comment aimer un enfant" de Janusz Korczak

À la (re)découverte du médecin-pédiatre, éducateur et pédagogue Janusz Korczak, auteur de "Comment aimer un enfant", un ouvrage pour connaitre la meilleure façon d'élever, d'aider et d'éduquer les enfants, préadolescents et adolescents.
Janusz Korczak (Varsovie, 1878– Treblinka, 1942) est le nom de plume d’Henrik Goldszmit. C’est sous ce pseudonyme qu’il deviendra une figure de la Pologne indépendante (1918-1939) : écrivain, pédiatre, pédagogue, homme de radio. Mais l’œuvre et l’engagement de sa vie, c’est la fondation d’un orphelinat pour enfants juifs à Varsovie qu’il dirigera jusqu’en 1942 avant qu’avec eux, il ne soit déporté et assassiné par les nazis.
Média secondaire

En 1919, le Polonais Janusz Korczak a quarante ans quand il publie Comment aimer un enfant. Ce livre est nourri de ses nombreuses expériences de médecin-pédiatre, d’éducateur et, depuis 1912, de directeur de la Maison de l’orphelin à Varsovie. Il est aussi nourri de la guerre durant laquelle il a été mobilisé comme médecin dans l’armée russe : 

 

J’ai écrit ce livre au front dans un hôpital militaire : le bruit du canon n’incite pas beaucoup à l’indulgence.

 

C’est donc sous le couvert de ses différentes casquettes que Korczak prend la parole dans les quatre parties du livre : Le pédiatre pour l’enfant dans sa famille, l’éducateur pour l’internat, le surveillant – Moniteur, animateur dirait-on aujourd’hui – Pour la colonie de vacances et enfin le directeur- Éducateur pour la Maison de l’Orphelin. 

Ce cheminement chronologique est aussi celui de sa construction personnelle, celle d’un médecin qui se fait éducateur. Si la première partie est entièrement consacrée à la parentalité et à la petite enfance, page après page, c’est l’éducateur qui s’exprime de plus en plus.

 

 

Parce que depuis bientôt cent ans, c’est l’hôpital qui est notre seule clinique et l’établissement éducatif n’a même pas seulement commencé à l’être.

 

Korczak partage son expérience et sa pensée dans de courts chapitres écrits à la manière d’un billettiste ou d’un chroniqueur, dans lesquels son art du récit et le sens de la formule font mouche.

Au fil de l’ouvrage, la pensée éducative de Korczak se concrétise au travers de la description de dispositifs pédagogiques qu’il explicite tout particulièrement dans la dernière partie consacrée à la Maison de l’Orphelin. Notamment, le tribunal d’arbitrage. «La place que je consacre aux tribunaux d’enfants dans ce livre peut sembler à certains, démesurée ; c’est que j’y vois, moi, le premier pas vers l’émancipation de l’enfant, vers l’élaboration et la proclamation d’une Déclaration des droits de l’enfant. L’enfant a le droit d’exiger que ses problèmes soient considérés avec impartialité et sérieux.»

Le tribunal par et pour les enfants

Le tribunal se réunit chaque fin de semaine pour instruire et juger les plaintes déposées sur un tableau. Le jury est com- posé de cinq enfants tirés au sort. Un éducateur assure le secrétariat. Le tribunal s’appuie sur un code écrit comportant 110 articles dont les 99 premiers sont des articles d’acquittement. « Si quelqu’un a mal agi, on commence par lui pardonner. » Et le vouloir ne suffit pas. L’introduction d’une telle institution vient remettre en cause les manières de faire jusqu’alors en vigueur dans la collectivité : trop souvent la force et la violence. 

Korczak ne cache pas les tâtonnements, les errements qui émaillent la mise en place de cette institution jusqu’à décider sa suspension temporaire. « Bien sûr, le rôle du tribunal est de mettre de l’ordre dans le rapport entre les hommes, mais il ne peut ni ne veut faire de miracles. » Bientôt l’expérience reprend et se solidifie, notamment en ouvrant la possibilité de mettre un éducateur en cause. Korczak écope lui-même de cinq procès. « J’affirme que ces quelques procès ont été la pierre angulaire de ma propre éducation. Ils ont fait de moi un éducateur constitutionnel qui ne fait pas de mal aux enfants, non pas parce qu’il a de l’affection pour eux ou qu’ils les aiment, mais parce qu’il existe une institution qui les défend contre l’illégalité, l’arbitraire et le despotisme de l’éducateur. »