La biblio du pédagogue : "Avec des yeux d’enfant" de Paulo Francesco Tonucci

S’amuser à réfléchir sur l’éducation ! Les dessins de Francesco Tonucci circulent depuis des années dans l’environnement des formations à la pédagogie. On les retrouve affichés dans des salles de réunion, au-dessus de photocopieurs, ils se partagent comme autant de gourmandises subtiles, réflexives et jubilatoires. 

Des bandes dessinées poil à gratter qui bousculent les pratiques pédagogiques. Que l’on soit dans l’enseignement, l’animation ou parent, ces dessins amènent avec humour à se questionner sur le sens politique de l’action éducative, sur l’environnement dans lequel évoluent les enfants et sur leur place dans la société. Le crayon est espiègle et incite à porter sur l’école et la ville un regard souvent cynique, mais salutaire. 

Si on prête à Bonaparte la formule « qu’un bon croquis vaut mieux qu’un long discours », les dessins de Francesco Tonucci sont, eux, en plus de leur efficacité à faire réfléchir, d’un grand respect pour la condition humaine. Ils défendent la cause de l’enfance. En quelques traits les enfants sont là, avec leurs différences, leurs qualités, leurs défauts, leurs réussites, leurs échecs, leurs joies et leurs découragements face aux adultes et à l’institution éducative.

Un réalisme génial qui avec simplicité plonge au cœur des enjeux de tous les jours qui se posent aux adultes. Quel est le rôle de l’école ? Qu’apportent aux enfants les activités qui leur sont proposées ? Vont-ils être acteurs ou exécutants ? Quelle est la place du jeu dans les apprentissages ? 

Cinquante ans après, les prises de position de Francesco Tonucci sont toujours d’une grande modernité. Pour lui, « l’obsession moderne de tout sécuriser grâce à une progressive mais constante multiplication des systèmes de défense est inutile et même dangereuse, spécialement pour les plus petits qui y sont confrontés de manière directe. [...] D’un côté se développe une attitude à déléguer : les gens payent pour leur défense et prétendent donc à ce que leur sécurité soit garantie. Ils ne se sentent pas responsables de leur contrôle personnel et social. La meilleure façon de sauvegarder notre sécurité est l’implication, la présence et la responsabilité. » 

Il pense que « le plus grand risque pour nos enfants aujourd’hui, est leur impossibilité à prendre des risques. [...] Cette situation fait naître un progressif besoin de transgression qui se manifeste, ou explose parfois à l’adolescence.¹» 

De nombreux dessins de ce livre reflètent l’importance pour Francesco Tonucci de la relation entre les enfants et la ville. Un engagement pour la transformation de notre société, qui se retrouve dans le projet international La cité des enfants, dont il est à l’origine et qui propose à des municipalités de changer leur philosophie pour la gestion de la ville, en prenant l’enfant comme repère d’organisation essentiel.

1 - Ven 568, Questions à Francesco Tonucci.