Les influences de la pédagogie institutionnelle dans l’organisation du DBDA

« Le plus grand mal que tu puisses leur faire, c'est de promettre et de ne pas tenir. D'ailleurs tu le paieras cher et ce sera justice ». Cette phrase de Fernand Deligny a raisonné en moi depuis ma première lecture de Graine de Crapule.
Média secondaire
Permettre un regard nouveau sur le monde

Dans les différentes pratiques de l’éducation nouvelle, Fernand Oury est celui qui m’a le plus marqué. Son statut d’instituteur lui a ainsi permis de travailler auprès de jeunes en collège, des jeunes inadaptés à ce qu’il nomme « l’école caserne », et de les aider. Or, dans le projet du festival Du Bruit Dans l’Arène, nous ne parlons pas d’école mais bien de société. Et, si l’école décrite par Fernand Oury ou Célestin Freinet est une « école de conditionnement », il me semble que la société de 2019 s’y rattache. En effet, cette société dans laquelle nous vivons continue à enfermer des gens, notamment les jeunes, dans des cases et dans un chemin linéaire, les empêchant ainsi de s’émanciper.

Depuis sa conception, le Festival Du Bruit Dans l’Arène porte l’ambitieuse mission de proposer un regard nouveau et alternatif sur la société, tant dans la création d’idées que dans l’expérience collective d’organisation. Le festival cherche ainsi à donner les moyens aux gens qui y participent de changer le monde à leur échelle, en travaillant avec les autres.

Des instances de réunion régulières et ritualisées

Aux Ceméa, nous sommes habitué∙e∙s aux centres de vacances. C’est avec ce même regard, qu’en 2017, nous avons pu imaginer une organisation et mettre en place un premier festival Du Bruit Dans l’Arène.

En effet, le festival est né d’idées, lancées à la volée par quelques personnes, autour d’une table. Par la suite, ces mêmes personnes ont structuré une instance de réunion et les fondations d’un projet qui s’organise, se réajuste avec un seul let motiv : avancer. Cette instance de réunion, régulière et ritualisée, c’est le COPIL, ou comité de pilotage.

Cette instance reste proche de l’idée de « Conseil » défendue au sein de la pédagogie institutionnelle.  Il s’agit d’un lieu de parole et de décision, où la prise de parole est organisée.

Le COPIL du DBDA est donc constitué d’un certain nombre de personnes en fonction des besoins (13 membres dans le COPIL de la troisième édition du festival). Chaque COPIL est piloté par deux ou trois personnes qui vont réfléchir à l’ordre du jour en fonction des besoins du groupe. Ordres du jour et comptes- rendus sont essentiels à la tenue de ces instances, dans le sens où ils laissent une trace de ces réunions, à laquelle se référer par la suite. Les réunions du COPIL sont régulières et les membres s’y investissent sur l’ensemble de l’année, donnant pas à pas un visage au festival.

Les responsabilités

Dès le départ de l’aventure, nous avons inscrit la notion de « responsabilité » dans le groupe. Il s’agit de décomposer l’architecture d’organisation du festival en différentes tâches, prises en charge par une ou plusieurs personnes, et ainsi rendre les individus interdépendants dans la construction du projet. Il ne s’agit pas d’une organisation factice, qui dissimulerait une prise de décision centrée sur une seule personne. Au contraire, la personne en charge de chacune de ces « responsabilités » est réellement garante du fonctionnement de celle-ci. Les bénévoles du festival Du Bruit Dans l’Arène sont réellement rattaché∙e∙s à un fonctionnement collectif.

L’organisation du festival Du Bruit Dans l’Arène 2019 est découpée en trois axes : institutionnel, organisationnel et direction artistique. Au sein de ces axes, différentes « responsabilités » sont prises en charge par des bénévoles : communication, relation avec les partenaires, aménagement de l’espace, bar, spectacles musicaux, spectacles non-musicaux, animation etc. Chaque « responsable » peut alors s’entoure de plusieurs bénévoles, pour prendre en charge de la réflexion et le fonctionnement de la thématique en question.

Un projet commun fédérateur

J’entends par « projet » quelque chose qui fait sens au sein d’un groupe de personnes, dans l’ensemble du groupe. Un projet c’est, pour moi, ce qui anime un collectif. Aussi, il faut trouver des leviers pour lier les personnes impliquées dans les projets. La recherche de reconnaissance, la volonté de réussir quelque chose, d’acquérir des compétences, de trouver un lien affectif… nombreux sont les éléments qui fédèrent au sein de notre groupe et ils sont différents pour chacun∙e des acteur∙rice∙s. Un seul élément les relie tous : le projet, qui sera ce qu’ils et elles en feront. Le phénomène d’appartenance au groupe, au projet, est alors primordial au fonctionnement de celui-ci. Pour le DBDA, l’affiche devient alors un blason ou un drapeau. Des slogans deviennent fédérateurs, et des rituels se mettent en place.

Oury et Freinet parlent de la classe comme d’un lieu de vie, d’éducation, de sociabilisation. Il en est de même pour le festival Du Bruit Dans l’Arène. Il ne peut donc y avoir de projet sans prise en compte du groupe, et de sa dynamique, « où le fantasme doit devenir parole et l’agitation activités » (F. Oury). Il devient alors essentiel de rebondir sur l’ébullition du groupe et de veiller à la transformer en énergie positive.

Si Fernand Oury avait mis en place les ceintures de comportement, le DBDA ne s’en est pas approprié encore. Pour autant chacun, en fonction de son expérience, sa ténacité et de son implication dans le projet, va gagner en confiance vis-à-vis du groupe. On pourrait donc assez facilement avoir des ceintures blanche, verte, noire au DBDA.

Pour terminer ce propos, la taille du projet DBDA nous oblige à fédérer en masse, et chaque membre du COPIL doit rassembler autour de lui et de sa partie du festival. On peut rapprocher cette idée de la notion d’intelligence collective qui est essentielle aux changements de notre société. Ce festival, d’autant plus en grossissant, nous apprend réellement qu’on n’est intelligent qu’à plusieurs.