Diriger

L’acte de diriger demande de pratiquer une gymnastique complexe : endosser un statut, le colorer du rôle pour assumer les fonctions et accomplir les tâches. Être capable de tisser avec l’équipe un fonctionnement qui reflète intentions éducatives et valeurs.
Média secondaire

La responsable du secteur enfants d’un centre socio-culturel fait part de ses interrogations quant à la fonction de direction. Elle nous livre sa conception dans la conduite d’une équipe, l’âpreté de la réflexion et le travail de fourmi que requiert une vraie recherche d’une organisation et d’un fonctionnement fidèles aux valeurs qu’elle défend. La formation prend une place prépondérante dans le projet présenté, la place des enfants aussi bien comme bénéficiaires de l’animation que comme acteurs et actrices voire auteur·e·s de décisions. Le rapport au temps est essentiel dans sa façon de travailler. La direction est une véritable course de fond.

Dans ce centre socioculturel de Schiltigheim (67) mes missions principales sont de diriger une équipe d'animation de sept personnes soient quatre animatrices - deux Bafa, une Bapaat (BPJEPS en cours), une BPJEPS LTP - et trois animateurs - trois Bafa, dont un BAFD en cours.  Je coordonne également différents projets émanant du secteur enfants ludothèque, accueil de loisirs, CLAS, animations globales, sorties familiales, notamment.

J'ai travaillé avec l'employeur pour que les salarié.e.s présent.e.s puissent signer des CDI, et j 'ai engagé les autres personnes sur des vacations renouvelées chaque année.

En arrivant à ce poste, j'ai décidé de prendre le temps de l'observation et de l'écoute, nécessaire pour m'appuyer sur l'équipe déjà présente qui me semblait volontaire et motivée. Je voulais appuyer ma fonction de « direction » sur un projet pédagogique qui serait co-construit, et donc le « nôtre ».

Nous avons eu collectivement plusieurs temps de travail sur les projets en cours, ceux qui seraient à renouveler (la ludothèque) et ceux qui seraient à développer à moyen terme.  J'ai formalisé avec les animateurs   et   les animatrices   les objectifs, les moyens humains, les budgets nécessaires pour ces actions. J'ai exprimé le souhait de faire évoluer le secteur en m'appuyant sur un travail de fond à partir des besoins des enfants. Nous étions enfin toutes et tous sur « nos >> rails communs. Nous avons défini ce qui était possible et ce qui ne l'était pas, ce qui était « discutable », entre nous et avec les enfants. Deux années ont été nécessaires pour faire ce travail en équipe, de manière vraiment partagée. Aujourd'hui, le secteur enfants fonctionne à partir de ces réflexions et des démarches pérennisées pour quatre ans.

Cemea

Un rôle formateur

Je pars du principe que les enfants et les adultes sont capables d'évoluer tout au long de leur vie à différents niveaux, en fonction de leurs parcours, de leur environnement et  de leurs choix  possibles. Je m'appuie sur des références à Gisèle de Failly, ou Maria Montessori. Mon travail recouvre cette notion de formation. Cela prend du temps et de l'énergie, mais je pense qu'il est fondamental de le prendre en compte sous différentes formes.

J'organise régulièrement pour l'équipe des moments de rencontre avec le même protocole de fond que le « Cercle », mais à des niveaux d'objectifs péda­gogiques d'adultes,  dont le principal est de travailler à des notions d'agir et de pouvoir de décision  pour soi et pour le collectif « d'adultes » auquel nous appartenons, d'autre part. Nous le travaillions, « pour les autres  », nous devions l'appliquer «à nous-mêmes». Facile à dire ou écrire, difficile à faire.

Il faut être patiente, tout en étant rigoureuse, déterminée, tout en étant souple et adaptable.

Je réfléchis le cadre pédagogique pour qu'il soit structurant et rassurant, tout en laissant la liberté à chacun.e de s'exprimer, agir et vivre personnellement, individuellement, les  choses,  événements,   et   émotions. Puis j'amène les animateurs.trices à formaliser, conscientiser  et revenir «à froid » sur leur pratique pour l'analyser. J'avais expérimenté ce fonctionnement dans différents cadres pédagogiques, et institutionnels. J'ai dû l'adapter aux individualités et sensibilités en présence. Cela est chronophage mais enthousiasmant.

Le rapport au temps est fondamental dans ma manière de travailler. Les démarches actives prennent souvent du temps, si l'on souhaite laisser venir les individus, dans ce qu'ils ont  de singulier,  avec leurs histoires de vie, ou  leur  posture professionnelle propre. Pour mieux  les  respecter  et les accueillir, il faut souvent « étirer » ce temps, après lequel, nous courons souvent J'ai fait un choix de répartition du temps de préparation. La dynamique d'équipe était au cœur de mes actions de coordination. Avant tout le reste.

Cemea

J'induis la co-construction et la prise de décisions collectives. Parfois dans mes animations  de réunions, je propose quelques formes plus dirigées, pour les amener à dépasser leurs premières idées, représentations, et pour créer une émulation de réflexions plus importantes.

Je ne connais pas de formation omnisciente qui permettrait à qui le souhaiterait de diriger un accueil collectif de mineur·e·s sans douter de sa « prise » de fonction, sans la questionner et trouver des réponses « sûres et certaines ». Ma fonction de direction est intimement liée à l'analyse de la pratique et à la prise en compte du milieu dans lequel je travaille m'adapter aux contextes et au travail qu'il implique, regarder, observer, écouter, agir avec pour fil conducteur le principe qu'éduquer, c'est avant tout proposer d'appréhender le monde dans lequel nous vivons et développer l'esprit critique et la confiance en soi. Être un individu, un « sujet » en construction, qui avance, évolue, grandit, dans le monde où il est.

 


Cet article est issu des Cahiers de l'Animation - Vacances Loisirs