Dépaysement

Il n'est pas nécessaire d'aller très loin pour vivre des projets de pleine nature.
Média secondaire

Dans son livre La Gloire de mon père, Marcel Pagnol raconte ses souvenirs d’enfance et de vacances. Pour rejoindre la maison louée dans le massif du Garlaban, la famille prenait le tramway afin de sortir de Marseille, puis rejoignait ensuite son lieu de villégiature à pied. Pagnol évoque les « plus beaux jours de sa vie », avec la découverte et l’aventure au quotidien, au coeur des pinèdes et de la garrigue. Je n’ai pu m’empêcher de faire des parallèles avec ce récit pendant la journée que j’ai passée dans ce CLSH.

Pour y accéder, il faut prendre un petit chemin qui traverse la forêt. Une voiture passe, mais pas un bus. Les enfants sont obligés de faire à pied les cinq cents derniers mètres qui les séparent de leur « repaire ». Le bâtiment se situe au milieu d’immenses bois dans lesquels ils peuvent jouer. Un petit ruisseau coule à proximité. Une clairière permet entre autres des jeux de ballons.

Cemea

Les enfants semblent y avoir leurs habitudes. Au fur et à mesure de leurs arrivées respectives, ils jouent, lisent, discutent. Puis les activités des groupes s’organisent : bricolage, construction de cabanes, jardinage, jeux… Un groupe qui avait prévu une randonnée toute la journée, récupère son pique-nique et part.

Environ une heure avant le repas, les activités des groupes s’arrêtent et après les rangements d’usage, les enfants vaquent au gré de leurs envies. Certains retournent aux cabanes et s’imaginent des passages secrets, d’autres se balancent sur des balançoires suspendues aux branches d’un arbre.

Quelques enfants investissent de grands pins qui ont poussé en biais et permettent de s’élever assez haut sur le tronc en progressant à califourchon. Ils jouent à l’attaque de ce qui est visiblement un bateau. Kévin, tout en haut, met sa main en pare-soleil et harangue l’équipage à propos d’un navire ennemi en vue. Un groupe joue au foot dans la clairière.

On voit ça et là, quelques adeptes du diabolo s’entraîner et se conseiller mutuellement. Les activités ne sont pas figées, évoluent ou se transforment. Les arbres penchés sont désertés par les marins. Mélissa et son copain qui étaient occupés à discuter un peu plus loin s’essayent à grimper sur le tronc, visiblement contents de s’être élevés aussi haut.

Un peu plus tard, c’est un groupe d’aviateurs qu’accueillent les pins. Couché sur le tronc, Julien mitraille avec vigueur les avions qui passent à sa portée. Kévin s’est joint aux aviateurs et se trouve de nouveau dans l’arbre.

Puis, c’est l’heure du repas. Les enfants vont se laver les mains, puis rejoignent les tables installées sous une tonnelle. Kévin, lui, traîne encore un peu sur son arbre. Il est allongé, le dos sur une grosse branche et regarde le ciel qui perce à travers les ramures. Finalement, il rejoint les autres et vient manger.

L’après-midi, il y aura des activités calmes diverses suivies de grands jeux de pleine nature, organisés par les animateurs, dans les bois qui entourent le centre. Puis, après le goûter, encore un temps informel avant de prendre le chemin du retour.


"Il faudrait installer les villes à la campagne disait Alphonse Allais… "Surtout pas, pauvres campagnes ! Il faudrait plutôt réoxygéner les pratiques. Oui chaque ville offre un cadre propice à des loisirs de qualité. Mais le contact « vrai » avec une nature toujours proche est vital pour les enfants.


 

Bien que le CLSH ne soit seulement qu’à quelques kilomètres de chez eux, le dépaysement au quotidien est une réalité pour ces enfants. Pouvoir grimper aux arbres, faire des cabanes, jouer dans le ruisseau ou même faire une partie de foot au milieu des pins, tranche avec leur vie de citadins et son environnement. Cela leur permet de profiter des vacances pour découvrir et s’approprier un autre univers.

Je pense que cela dépend bien sûr de la politique de l’oeuvre organisatrice, de ses choix et ses possibilités de gestion. Mais également des choix de l’équipe pédagogique du centre. Dans le même environnement, elle aurait pu proposer aux enfants des activités strictement identiques à celles qu’ils auraient pu pratiquer en ville, leur interdire de grimper aux arbres ou d’avoir la possibilité de jouer seuls un moment dans les cabanes... Au contraire, elle a eu la volonté d’organiser la vie du centre en fonction du milieu naturel environnant en proposant des activités de découverte et en permettant aux enfants de s’approprier par eux-même cet ailleurs.


Les Cahiers de l'Animation (n° 56, octobre 2006)