Jeux vidéo : comprendre le système PEGI

Pas simple pour les parents et les adultes de construire des repères pour savoir quels sont les jeux vidéo adaptés à leur enfant. Le système PEGI semble là pour ça, encore faut-il le comprendre, et être en mesure parfois de s’en détacher.
Média secondaire

Une grande partie des parents ne sont aujourd’hui pas ou peu informés sur les jeux vidéo plébiscités par leur enfants. Les situations sont généralement très inégales d’une famille à une autre, certain parents sont ou ont été eux même joueurs, d’autres non. La question de l’encadrement, mais surtout de l’accompagnement des plus jeunes à travers leur pratiques vidéoludiques est primordiale tant elle peut devenir source de conflit au sein des foyers.

Le jeu vidéo est aujourd’hui la première industrie culturelle de France. On recense près de 40 millions de joueurs et de joueuses occasionnelles (soit 7 français·es sur 10), pour un marché estimé en 2022 à 5,5 milliard d’euros. La France compte certains des studios de jeux les plus connus au monde comme Ubisoft (Assassin’s Creed, Prince of Persia), Quantic Dream (Heavy Rain, Detroit : Become Human), Arkane (Dishonored, Prey) ou Asobo (A Plague Tale), mais également une multitude de studios de plus petite et moyenne envergure.

L’offre vidéoludique est extrêmement riche et diversifiée. Il existe une multitude de genres, sous-genres de jeux destinés à des publics d’autant plus variés. Ces typologies sont nombreuses et il est bien souvent difficile de s’y retrouver, en particulier lorsque cet écosystème n’est pas familier.

 

Qu’est-ce que le système PEGI ?

Depuis 2003, la Fédération européenne des logiciels de loisirs (ISFE, Interactive Software Federation of Europe) a lancé un système de classification des jeux vidéo par âge nommé « PEGI » pour Pan European Game Information (ou « système européen d’information sur les jeux »). Cette signalétique s’adresse en premier lieu aux parents et a pour ambition de les aiguiller à faire des choix éclairés lors de l’achat de jeux vidéo. Elle est présente dans plus de 35 pays et concerne plus de 35 000 jeux et applications sur le marché. C’est même une condition pour pouvoir commercialiser un jeu vidéo dans ces pays.

La certification PEGI est aujourd’hui délivrée par deux instituts indépendants, le NICAM (Netherland Institute for the classification of Audiovisual Media) pour les contenus destinés aux jeunes publics, et le VSC (Video Standard Council) pour les contenus à l’attention des publics adolescents et des adultes. Le processus est toujours le même :

  • Le contenu est d’abord analysé par l’éditeur du jeu qui émet un premier avis,
  • Les agents certificateurs confirment ou non cette analyse en explorant l’intégralité du jeu
  • La classification est ensuite délivrée par PEGI pour autoriser l’utilisation des différents labels et descripteurs
  • Le jeu est commercialisé en appui des logos correspondant.
     

Nomenclature du système PEGI

La nomenclature PEGI est divisée en deux catégories :

- une classification par « âge » qui définit des indications sur le contenu et son adaptation à une certaine tranche d’« âge ». Il ne tient en revanche pas compte du niveau de difficulté ou des aptitudes pour jouer à un jeu.

Cemea
Violence réaliste envers des personnages fantastiques ou violence non réaliste envers des personnages à caractère humain. Langage grossier modéré, nudité, horreur.
Cemea
Violence réaliste envers des personnages à caractère humain. Action sportive avec présence de sang. Langage grossier, usage de drogues. Représentation d'activités criminelles.
Cemea
Violence crue/extrême envers des personnages à caractère humain sans défense ou innocents. Idéalisation des drogues. Expressions ou activités sexuelles.

 

- des « descripteurs » (au nombre de huit), indiquant les principaux motifs pour lesquels un jeu s’est vu attribuer une classification par âge particulière.

 

Cemea
Ce jeu fait usage d'un langage grossier.
Cemea
Ce jeu contient des scènes de violence
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Ce jeu permet d'acheter des biens virtuels avec de l'argent réel. Inclut des contenus aléatoires.

Deux exemples pour y voir plus clair

Regardons comment deux jeux vidéo très populaires actuellement, Fortnite et Call of Duty : Warzone ont été analysés selon le système PEGI.

  • Fornite est un jeu de type « Battle-royal » développé par la compagnie Epic Games. Il est sorti en 2017. 100 joueurs et joueuses s’affrontent dans une partie au cours de laquelle ils et elles devront amasser des ressources et de l’équipement pour rester en vie le plus longtemps possible.

Fornite possède la classification « PEGI 12 » (donc déconseillé aux moins de 12 ans) parce qu’il contient de la « violence modérée ».Le jeu possède donc le descripteur spécifique « violence » qui s’incarne à travers des combats à mort avec des armes entre joueurs et joueuses. Mais cette violence est également selon PEGI « non-réaliste » car le jeu ne présente ni blessures ni sang apparent. Le jeu possède également le descripteur « achats-intégrés », inclus récemment dans la classification et indiquant la présence de « c contenus additionnels » (des nouveaux personnages, des tenues spéciales…) qu’il est possible d’acheter directement dans le jeu.

  • Call of Duty : Warzone est également un jeu de type « Battle-Royal » disponible dans le jeu Call of Duty : Moderne Warfare III. Le principe du jeu est sensiblement le même que celui de Fornite décrit ci-dessus.

Call of Duty possède la classification PEGI 18 (s’adresse à un public adulte) car il contient « de la violence graphique » et un « langage grossier ». Comme Fortnite, le jeu possède donc le descripteur « Violence » mais il se différencie du premier car celle-ci est plus apparente : du sang apparaît quand un personnage est touché par un tir, un corps peut être démembré lors d’une explosion…Il possède également le descripteur « langage grossier » car les personnages du jeu peuvent parfois exprimer des mots comme « fuck ». Il possède également, comme Fortnite, le descripteur « achats intégrés ».

On constate que l’on retrouve une classification sensiblement similaire pour ces deux jeux vidéo. Call of Duty Warzone et Fortnite contiennent tous les deux le descripteur « Violence » mais la nature de celle-ci n’est cependant pas tout à fait la même. Fortnite met en avant un monde cartoonesque dans lequel il n’y a pas de sang et où les personnages disparaissent à leur mort. Callof Duty expose à l’inverse un environnement très réaliste, sanglant, où les scènes de violence y sont plus explicites.

La nomenclature PEGI propose donc des repères tangibles sur lesquels on peut s’appuyer lors de l’achat d’un jeu vidéo. Elle est cependant à prendre avec précaution car un même descripteur pourra donc correspondre à des éléments différenciés d’un jeu à un autre. Dans cet exemple, le contraste entre ces deux jeux se fera bien sur les labels d’âge « PEGI 12 » et « PEGI 18 ».

Mais cette classification par « âge » ne prévaut qu’à titre indicatif et n’interdit pas l’achat du jeu en soit. Même si certains contenus de jeu seront évidemment plus adaptés à certaines tranches d’âge, elle ne peut pas faire office de règle « absolue », tant les individus, enfants ou adultes, ne seront pas sensibles de la même manière aux éléments présents dans les jeux (violence graphique, langage grossier, angoisse, peur...).

Plus d’informations sur :
- Pédagojeux : https ://www.pedagojeux.fr/comprendre-le-jeu-video/
- PEGI : https ://pegi.info/fr

Pourquoi faut-il être critique du système PEGI ?

Bien qu’il constitue un ensemble de repères sur lequel on peut s’appuyer, il est important de regarder au travers de quelle articulation politique et économique s’inscrit le système PEGI. Pour comprendre comment les indicateurs sont choisis en premier lieu, il faut regarder du côté des éditeurs de jeu, qui sont les premiers à émettre un avis à l’attention des agents certificateurs, et non les studios de développement, ni même les joueurs et les joueuses.

Premièrement, le système PEGI prend en compte les particularismes locaux, c’est-à-dire que certains éléments seront, culturellement, plus ou moins acceptés d’une région ou d’un pays à un autre (nudité, violence, drogue, religion etc.). Certaines particularités, notamment morales ou religieuses, divergent grandement entre les pays et régions d’Europe, et le système PEGI tend plutôt à standardiser son fonctionnement plutôt qu’à s’adapter à chacune d’entre elles :

 


 

Imaginez qu'un pays n'aime pas les chips et les interdisent aux moins de 12 ans. Le système PEGI classera tous les jeux avec des chips « 12 ans et plus ». C'est toute la difficulté.

 

Olivier Mauco, docteur en sciences politiques

 

Deuxièmement, la dématérialisation des contenus chamboule énormément la chaîne de distribution traditionnelle et la portée de la nomenclature. Ce ne sont, en effet, plus les magasins de vente au détail qui gèrent les catégories d’âge mais bien les plateformes en ligne comme Google (Android Market), Apple (App Store), mais également Microsoft (Xbox), Epic (Epic Game Store) ou Valve (Steam), avec toute la dimension politique que ce mode de distribution implique (et notamment les valeurs prônées par chacune de ces organisations). On peut ainsi aisément questionner, ou du moins prendre en considération la manière dont les jeux seront catégorisés sur ces plateformes et les contenus spécifiques qui seront mis en avant à chaque fois. De manière plus opérationnelle ensuite, là où la nomenclature PEGI est affichée sur une boîte de jeu vendue dans le commerce, elle est bien souvent moins visible lors d’un achat effectué sur une plateforme en ligne (faites le test sur Steam, Epic Store ou le Microsoft Store), et même parfois complètement absente, comme sur l’Apple Store qui utilise sa propre classification.

Finalement, quel est l’intérêt de ce système pour les éditeurs ? Le label « PEGI 18 » notamment, peut être considéré comme une étiquette « artificielle » puisqu’elle n’empêche en rien les mineurs d’acheter ces jeux qui, sur le papier du moins, seraient « destinés aux adultes ». Les adolescent·es en sont même la cible première la plupart du temps. Cette étiquette pourrait même dans certains cas être considérée comme un argument de vente à part entière…

Cette nomenclature pour le jeu vidéo diffère grandement de celle mise en œuvre dans le cinéma. Le cas d’un Call of Duty ou d’un Grand Theft Auto (disposant du PEGI 18) sera bien différent d’un film interdit au moins de 18 ans (qui sera ainsi labellisé la majorité du temps pour des scènes de violence extrème ou de lapornographie). Cette classification est donc bien basée actuellement sur des critères moraux, ou consuméristes, dans lesquels interviennent de nombreux lobbys à l’échelle européenne (religieux notamment). Le cinéma est régulé en France par une institution publique, le CNC, mais pas le jeu vidéo qui est géré par un organisme paneuropéen mis en place par les éditeurs eux-mêmes. C’est une manière pour ces derniers d’éviter les contraintes et de garantir un « marché plus transnational », explique Olivier Mauco. En étiquetant ainsi des jeux « pour les grands », mais sans effet sur la mise à disposition du jeu, les éditeurs se préservent de toutes responsabilité et parviennent ainsi à « maintenir un marché de consommateurs le plus large possible avec le moins de barrières à l’entrée », ajoute-t-il.

 

 

Fondamentalement, le PEGI est surtout un dispositif de contrôle du politique et du marché, plus qu'un système prévoyant la régulation des contenus. 

 

Olivier Mauco, docteur en sciences politiques

 

 

Pour en savoir plus : 

Jeux vidéo : « Le PEGI est surtout un dispositif de contrôle du politique et du marché »

Alors comment faire ?

Entre une classification à prendre avec quelques pincettes et des parents peu informés, voir même dépassés, voici quelques pistes pour s’y retrouver :

1. Regarder ce qu’il s’y passe !
Le système PEGI peut être utilisé à titre indicatif mais comme nous l’avons vu avec Call of Duty et Fortnite, un même descripteur peut désigner des choses différentes, et le système de classification par « âge » est également à ne pas prendre au pied de la lettre. En définitive, on peut utiliser le système PEGI pour en apprendre davantage sur un jeu vidéo mais c’est encore mieux d’y jeter un œil directement ! Il existe une multitude de ressources en ligne destinées à illustrer les contenus présents dans certains jeux (sur les plateformes vidéos comme Youtube par exemple, mais également sur des sites spécialisés comme Pédagojeux). De la même manière, il est également possible dans certains cas d’installer des démo gratuites de jeux vidéo pour en avoir un aperçu.

2. Échanger, discuter
Les joueurs et les joueuses sont la plupart du temps les mieux informées sur les contenus ! Ne pas hésiter à échanger les jeunes ou les adultes sur leur choix de jeux, ce qu’on peut y retrouver, et pourquoi ils sont appréciables. L’intérêt porté à ces pratiques, permettra bien souvent de commencer à dépasser les incompréhensions que ce soit sur les contenus ou les facteurs motivationnels derrière l’usage des jeux vidéo.

3. Jouer… ensemble !
De surcroît, le jeu vidéo peut être une activité collective et sociale et devenir un passe-temps privilégié en famille. Ne pas hésiter à demander aux enfants et aux jeunes de partager leur jeux préférés, mais également, pourquoi pas, de choisir des jeux avec lesquels il est possible de jouer ensemble. Il existe aujourd’hui des milliers de jeux vidéo destinés à différents publics, aux genres et thématiques très variés. Il y en a pour tous les goûts !

Quelques recommandations pour des parties endiablées à plusieurs :

  • Overcooked : un jeu coopératif dans lequel les capacités de travail en équipe seront mises à rude épreuve et où il faudra préparer une variété de plats dans des cuisines de plus en plus chaotiques ! (disponible sur Xbox, Playstation, Nintendo Switch et PC, environ 25€)
  • It Takes Two : un jeu d’aventure conçu spécifiquement pour la coopération : un couple pris au piège dans un univers fantastique tente de sauver sa relation brisée… (disponible sur Xbox, Playstation, Nintendo Switch et PC, environ 35€)
  • Keep Talking and Nobody Explodes : un jeu coopératif « hybride » qui consiste à tenter de désamorcer une bombe tandis que le ou la partenaire devra donner des indications à suivre, à l’aveugle et à l’aide d’un manuel d’instruction.  (disponible sur Xbox, Playstation, Nintendo Switch et PC, environ 15€)