Un café pédagogique pour éclairer sur l’Europe

L’Union européenne reste encore pour beaucoup une idée plus qu’une réalité. Il est difficile de s’y reconnaître dans le labyrinthe de ses instances. Alors, organiser des rencontres où on présente ce que recouvre exactement cette entité ne peut qu’être qu’un plus, indéniablement.
Très bientôt vont se dérouler les élections européennes et cet événement, fondamental dans la perspective de construction de l’Europe laisse encore beaucoup de citoyens·nes sceptiques voire indifférent·e·s. Afin de leur permettre d’en saisir l’importance, toutes les initiatives sont à encourager. Un coup de projecteur sur celle qui est née aux Ceméa en Bourgogne Franche-Comté montre que la pédagogie dépoussière l’ignorance et ouvre la réflexion collective. De belles tranches de vie pour un avenir commun.
Média secondaire
Cemea

Café pédagogique mode d’emploi

« L’enjeu des élections européennes »

 

En Bourgogne Franche-Comté, à Dijon comme à Besançon, à la maison des étudiants ou des associations, en stages d’animation volontaire ou à l’assemblée générale entre autres, Laura Klement, jeune femme en service civique et de nationalité allemande après avoir vécu un service volontaire européen à Besançon a pris en charge l’organisation de cafés pédagogiques avec l’objectif affiché de sensibiliser les citoyen·nes de la région mais néanmoins européen·nes à l’importance du vote lors des élections qui surviendront le 26 mai 2019. Elle a structuré son intervention en commençant par une présentation soignée, documentée et accessible à tous et à toutes de ce qu’est l’Europe en 2019. Puis quelques témoignages de jeunes en service volontaire ou en stage Eurodyssée* viennent présenter ce que c’est d’être aux portes de l’Europe sans pouvoir en faire partie (Nevrik est arménienne et Irina ukrainienne) ou donner leur opinion avec un angle personnel (Ivana sur la situation de la Catalogne et Hannes à propos de son opinion sur le sens de l’Europe dans sa vie aujourd’hui). Enfin un troisième temps permet aux personnes présentes autour de petites tables (sur lesquelles sont disposées boissons, gâteaux et chocolats) de débattre à partir d’une question que pose Laura : quel est le futur de l’Europe ?

Zoomons pour y voir de plus près

Démarrage par une explicitation de ce qu’est le populisme, sujet grave mais qui constitue plus une méthode (d’inspiration de droite ou de gauche) qu’ une idéologie politique et qui cherche et trouve un coupable aux maux de la société. Laura connaît son sujet et nous apprend beaucoup de choses qu’on croyait savoir. Elle fait ensuite référence au Brexit et précise que c’est seulement après avoir voté au référendum que les britanniques ont cherché sur internet ce qu’était l’Europe.

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Elle poursuit en revenant aux origines de l’Europe dont on comprend mieux la logique de construction progressive puis tente d’expliquer quelles sont les attributions de chaque instance : Conseil européen, Commission européenne, Conseil de l’Union européenne, parlement européen et de qui elles sont composées. C’est complexe mais l’éclairage est de qualité. 

On découvre ensuite les différents niveaux de compétence : européennes, partagées entre les états et l’Union et celles qui ne dépendent que des états et ceux des actes possibles : règlement, décision communautaire, directive, recommandation et avis. Elle insiste sur le fait qu’il existe des préoccupations communes malgré les clivages politiques. Elle revient sur le Brexit et explique pourquoi c’est si difficile de trouver un accord (marché économique, union douanière…). Un petit détour par ce qui constitue pour elle le principal enjeu de l’Europe : la transition écologique et le réchauffement de masse, lui permet de nous dire que nous en avons entamé le sixième épisode et de nous rappeler que "2050 c’est bientôt". Mais la politique énergétique est une compétence partagée, et nous avons besoin d’une unité qui n’est guère envisageable actuellement. Ainsi prend fin la première partie.

En peu de mots, avec des diapos dépouillées mais qui disent tout, Laura a dépoussiéré notre esprit et a permis de comprendre l’enjeu d’un positionnement européen.

Des témoignages, édifiants s’il en est

Nevrik (originaire de Erevan en Arménie) nous raconte le parcours de combattante pour une jeune femme dont le pays ne fait pas partie de l’Union européenne. Mais lorsque l'on parvient à venir en Europe (le programme Érasmus + le permet) alors le simple fait d’y résider devient un sésame qui ouvre des portes (elle cite la gratuité dans les musées).

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Le hic étant que la plus grande partie des organisations qui accueillent veulent des ressortissant·e·s des pays de l’Union européenne. Elle nous rappelle que l’Arménie est toujours en conflit (au haut Karabagh en particulier) avec l’Azerbaidjan, qu’elle-même aspire à vivre en paix. Elle affirme que faire partie de l’Europe permettra d’atteindre cet objectif. Elle termine en précisant que les démarches sont complexes, coûtent cher et ne sourient qu’aux tenaces.

Irina, originaire de Kharkiv en Ukraine prend le relais en lisant un texte qu’elle a préparé, estimant que sa maîtrise du français est un peu juste ; Elle nous parle de la place de l’indépendance (place Maidan) et insiste sur le fait que le peuple ukrainien a toujours voulu être européen mais cette aspiration contrarie les plans de la Russie qui a fait du président sa marionnette. Elle nous apprend que, malgré une résistance sanglante de tous les instants, une loi dictatoriale est en vigueur, la censure présente, ce qui n'empêche pas encore une paix salvatrice qui passera par l’Europe.

Ivana, espagnole de la région de Valence nous présente les particularités d’une région dissidente au sein de l’Europe, la Catalogne. Elle insiste sur le fait que sa situation est encore plus compliquée du fait de l’échelon européen.

Quelle Europe voulons-nous ?

Peuvent alors commencer les débats autour des tables pour répondre à la question de départ que Laura rappelle : quel est le futur de l’Europe, qu’elle traduit encore par : quelle Europe voulons-nous ?

Apparaissent au cours des discussions des opinions diverses dont certaines ne manquent pas d’interpeller. Des jeunes né·e·s à l’heure de l’Europe en semblent éloigné·e·s dans leurs préoccupations, sont peu concerné·e·s et ne voient pas ce qu’une telle union peut apporter dans leur quotidien. Ce décalage peut en 2019 paraître étonnant. D’autant plus que d’aucuns, d’aucunes oeuvrent dans la sphère de l’éducation. D’autres pensent surtout à une Europe qui serait celle des privilégié·e·s et qui exclurait… enfin d’autres encore trouvent l’Europe trop assujettie à l’économie et qu’il faut aller chercher les informations (on parle d’usine à gaz), et avoir l’intention donc de s’y intéresser.

Passé ces remarques préalables et ces considérations somme toute légitimes, le débat peut s’élever et parfois devenir philosophique.

En voici quelques extraits :

  • l’Europe permet aux personnes d’être tirées vers le haut, je ne comprends pas que certains pays freinent, mais en même temps qu’est-ce que je fais pour que ça change, sinon faire part de ma stupéfaction.
  • les solutions sont peut-être locales, agir autour de soi dans son environnement proche permet de mesurer l’importance qu’on a en tant qu’individu au sein de la société - le meilleur scénario, c’est un référendum au Royaume-Uni mais cela ne se passera pas comme ça.

Il y a à la fois une candeur vivifiante dans les propos mais empreinte d’une lucidité propre à renverser des montagnes...la question des personnes migrantes vient sur le tapis et aussi celle des SDF, le lien est fait avec ce qui ne se fait pas alors que cela pourrait être fait. « C’est possible mais on ferme les yeux ». Est pointé le fait qu’en Europe les étudiant·e·s pensent avant tout à leur avenir personnel mais qu’il suffirait de presque rien pour sauter le pas. L’individu voudrait mais le groupe dont il est dépendant dans une forme d’aliénation irrationnelle et de suprématie qui ne dit pas son nom, empêche l’action. On parle de progresser ensemble, de valeurs. On dit que le confort pervertit la pensée. Et encore qu’on ne vaut peut-être pas ce à quoi on a droit et que faire preuve d’humilité est nécessaire pour revenir à la réalité. Malgré une vision assez sombre de l’avenir, l’idée qu’un sursaut est possible se fait jour.

C’est un VRAI lieu de débats, d’échanges, une véritable prise de conscience du pouvoir que chacun et chacune a de faire changer les choses par l’objet politique. Ces cafés pédagogiques (il y en a eu, et il y en aura 13 en tout avec des publics divers) agitent et cette agitation tous azimuts conduit chacun·e à être bousculé·e dans ses certitudes afin de réagir pour re-agir. Agir à nouveau.

Cette initiative mérite d’être relayée, reprise, développée. Merci à cette petite équipe pour l’abnégation dont elle fait preuve. C’est une façon pour les Ceméa d’être présents dans la campagne électorale sans prendre parti.

* Eurodyssée est un programme d’échange de l’Assemblée des Régions d’Europe (ARE), qui offre des stages de trois à sept mois à l’étranger, aux jeunes demandeurs d’emploi de 18 à 30 ans.